
Dans un de mes voyages d'hiver, je m'étais aventuré le long du Saguenay pour me rendre jusqu'au lac Saint-Jean. C'était un voyage difficile et passablement dangereux. Je pense que j'avais sous-estimé les difficultés de l'entreprise. À l'Anse-St-Jean, j'avais échappé de peu à la noyade, lorsque la glace de la baie s'était disloquée sous l'effet de la marée. J'ai pu rejoindre le bord de justesse avec mon komatique (une sorte de traîneau) et mes deux chiens, Boule et Baz.
Le lendemain, dans le bout du cap Éternité, je me suis aperçu que nous étions suivis par une meute de loups. D'ordinaire, les loups ne sont pas vraiment dangereux, ils nous craignent, mais là, ils avaient l'air affamés. Il faisait froid depuis plusieurs jours et le gibier devait être rare. Malheureusement, dans notre fuite désespérée sur la glace de l'Anse-St-Jean, j'avais perdu une partie de mes provisions, dont ma réserve de poudre. Je ne pouvais pas utiliser mon fusil pour me défendre ou tout au moins effrayer ces bêtes.
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Les loups s'approchaient de plus en plus. C'étaient de gros loups des bois. Je pouvais leur voir le blanc des yeux. Ils avaient une grande langue rouge et des dents jaunes. Ils n'avaient pas l'air pressés de nous attaquer. Ils devaient attendre qu'on s'arrête pour nous encercler. Alors je me suis dirigé vers la rivière. Le bord était assez à pic, mais la rivière était gelée bien dur et ressemblait à une vraie patinoire. |
On est descendus sur la glace de la rivière et c'est alors que j'ai eu une idée. J'ai pris le quart de mélasse qui me restait et je me suis saucé les mocassins dedans. J'ai fait la même chose avec les pattes de mes chiens. La mélasse, ça ne gèle pas vraiment, même quand il fait froid. Ça devient comme une pâte collante. Ça fait qu'on a pu avancer sur la glace sans trop glisser. Plusieurs loups ont essayé de nous suivre, mais ils glissaient et tombaient les quatre griffes en l'air.
Quand on a été assez loin de la berge, je me suis reviré brusquement et, avec mes deux chiens, on a attaqué les loups qui étaient sur la glace. Les pauvres bêtes ne pouvaient même pas se défendre tellement ils glissaient et tombaient. J'en ai assommé quelques-uns avec mon fusil et mes deux chiens ont mis le reste de la meute en fuite. On était bien contents de notre ruse. On s'est fait un grand feu sur le bord de la rivière au cas où ils voudraient revenir nous ennuyer. Moi j'ai «pleumé» mes loups, quatre belles peaux, bien argentées, et puis mes chiens ont passé la soirée à se lécher les pattes. Finalement ça s'est bien terminé, ce voyage!
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