
En parlant de fréquentations, je vais vous conter une histoire de chasse qui est pas piquée des vers!
C'était il y a une dizaine d'années, quand j'étais encore un apprenti chasseur un peu naïf. Dans ce temps-là, Jos Testament me montrait les secrets du métier de coureur des bois, mais il me jouait toujours des tours pendables! Cette fois-là, on était à la chasse au chevreuil dans le bout de Glenn Sutton. Il y a beaucoup de chevreuils dans cette région. Même qu'ils se réunissent en troupeau et qu'ils font du ravage dans les champs et les vergers.
Alors Jos me dit :
— Eille, le jeune, tu devrais te déguiser en chevreuil mâle. Comme ça tu pourrais t'approcher d'un troupeau de femelles et les guider vers moi. Comme ça, on est sûr de faire une bonne chasse.
Et puis là, il s'en va fouiller dans le «campe» et en ressort avec une dépouille de chevreuil et un gros panache de huit cors, un huit «pointes». Ça fait que là, je me mets la dépouille sur le corps et puis je m'attache le panache sur la tête. C'était pas facile à faire tenir. Et puis, Jos m'avait «patenté» des béquilles courtes pour que j'aie l'air de marcher à quatre pattes.
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— C'est parfait, Jérôme, tu ressembles à un vrai «buck», toutes les femelles vont courir après toi! Là, Jos m'a guidé vers un verger où il y avait un troupeau de chevreuil, tout ça à quatre pattes. Rendu dans le verger, il me donne une tape sur le derrière et me voilà parti vivre ma vie de chevreuil! — Oublie pas de te faire aller le corps comme un vrai chevreuil, me dit-il à voix basse. |
Je m'approche du troupeau. Il y a au moins une vingtaine de chevreuils, des femelles et des jeunes de l'année. Ils ne semblent pas trop surpris de me voir. Je suis tout émoustillé de voir des chevreuils de si près. Plusieurs s'approchent de moi pour me renifler. Il y a même un jeune faon qui vient me lécher le visage. Il doit me prendre pour son père! Alors là, j'essaye d'attirer le troupeau vers le bosquet où Jos se tient en embuscade. Je me tortille, je fais des petits grognements, je tape des béquilles.
Les bêtes du troupeau n'ont pas l'air de vouloir me suivre et, même, je trouve qu'ils ne se préoccupent pas de moi. On dirait qu'ils regardent ailleurs. Tout d'un coup, je reçois une vilaine poussée par en arrière. Le choc est tellement violent que je revole dans les airs et que je tombe cul par-dessus tête. Je suis tout empêtré dans ma peau de chevreuil et j'ai le panache rendu dans le dos. Bang, un autre coup violent! Ayoye, ça fait mal! J'essaye de voir ce qui se passe. Je regarde en levant la peau qui me recouvre les yeux, et là je vois un «buck» de 300 livres, un 10 cors, le panache au ras de terre, la bave à la gueule, qui s'apprête à me culbuter de nouveau. C'était le mâle dominant du troupeau et il m'avait pris pour un concurrent. Et là, il essayait de me massacrer. Ça fait que j'enlève ma peau et je me redresse en criant :
— Je suis un homme, un chasseur impitoyable...
J'ai pas eu le temps de finir ma tirade que le gros mâle m'a terrassé de nouveau; puis il m'a attrapé dans son panache et il m'a garroché à 20 pieds de là comme une vieille guenille. Là j'ai quasiment perdu lumière, tout est devenu noir...
Puis, j'ai entendu comme un coup de feu! Boum! Et la voix de Jos Testament qui riait :
— T'as ben fait ça, le jeune, je t'ai quasiment pris pour un vrai chevreuil!
Quand je suis revenu à moi, Jos m'a réconforté et il m'a aidé à marcher. En sortant du verger, J'ai vu le gros «buck» à terre, figé raide, avec un trou rouge à l'épaule droite. Il avait l'air de dormir. Finalement on avait fait une bonne chasse, mais j'étais un peu triste. J'avais l'impression d'avoir triché.
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