Loading...



Le voyage d'Ovide Polansky



Janda


Tout le jour, je forçai le pas en suivant les indications que m'avaient fournies mes deux compagnons de la veille. J'espérais seulement qu'ils ne m'avaient pas trompé. À la tombée du jour, je fus en vue d'un petit bourg dont le nom correspondait aux renseignements que mes deux lascars m'avaient donnés. "Voleurs, ils l'étaient, me dis-je, mais peut-être pas menteurs..." Je rôdai un moment dans les rues désertes à la recherche de quelque chose à me mettre sous la dent. Je ne trouvai que quelques épluchures de betteraves et de pommes de terre que je dévorai goulûment et sans dégoût, tellement ma faim était énorme. Terrassé par la fatigue, je me dénichai un petit coin, sous une soupente, pour me cacher et me reposer un peu.

Sitôt assis, je m'engouffrai dans les profondeurs du sommeil. C'est un cri perçant qui m'arracha au rêve. " Hiiiiii! Hééééé! mais qu'est-ce que c'est? Qui... qui est là? Qui êtes-vous? En ouvrant les yeux, j'aperçus... était-ce une vision, un mirage? Ce qui m'apparaissait être une jeune fille... drapée dans un châle qui lui descendait jusqu'au genoux... Interdit, je n'osais bouger... incapable de lui répondre.


"Hé! Hé! qui êtes-vous et que faites-vous là? répéta-t-elle, d'une voix qui exprimait moins la peur qu'une certaine colère. "Je... heu... je suis un voyageur" balbutiai-je"... en route... en route vers Gdansk... vous savez, le port... je me suis arrêté ici pour me reposer... je vous demande pardon si je vous ai effrayée... je m'en vais... n'ayez pas peur... tout de suite..."

Quand je me redressai pour partir et qu'elle put voir mon visage, elle parut rassurée. "Hé! On peut dire que vous m'avez foutu la frousse, vous! Savez-vous que c'est ma place pour dormir, ici?" Je bredouillai: "Heu... je ne savais pas, là, je pars, je pars..." "Oh! Oh! pas si vite l'ami, vous êtes bien pressé, maintenant! Comme vous êtes là, on peut bien faire connaissance!"

Elle me fit rasseoir avec une tendre brusquerie et s'installa juste à côté de moi. Elle me raconta alors d'une traite qu'elle avait 17 ans, que ses parents avaient été torturés et tués l'année d'avant, que depuis elle n'avait nulle part pour habiter et qu'elle réussissait à survivre en faisant de petits travaux à gauche et à droite, en volant même parfois.

En me relatant son histoire, elle sortit de son châle une énorme saucisse qu'elle partagea avec moi. Lorsque je lui appris mon âge et qu'elle fût certaine que je n'étais pas un voleur ou un pillard, elle me proposa de m'accompagner jusqu'à Gdansk. L'idée ne me plaisait pas beaucoup, mais je me dis qu'à deux le voyage serait peut-être un plus agréable, tout compte fait... Surtout qu'elle paraissait passablement débrouillarde, la demoiselle Janda. C'était son nom.

Lire la suite...