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Les premiers jours j’ai vagabondé dans les rues, offrant mes services aux marchands et boutiquiers qui s’adonnaient au commerce sur la place du marché et dans les alentours. Plus mal fagotée qu’une mendiante, les cheveux défaits et les traits tirés, je ne m’attirais que quolibets et moqueries de la part de tous. Je quêtais pour subsister. Plus souvent qu’autrement, je devais me contenter d’épluchures ou de légumes à moitié pourris que je ramassais sous les étals du marché à la tombée de la nuit, quand les marchands avaient quitté les lieux. Je n’avais d’autre endroit pour dormir que le petit parc où nous avions trouvé refuge lors de notre arrivée à Gdansk. |
Les pauvres hères qui fréquentaient ce lieu de toutes les misères me faisaient une place parmi eux et partageaient avec moi leur maigre pitance, fruit du vol ou de la mendicité. Dans cette ville rendue sauvage par l’oppression des envahisseurs, les seules personnes qui m’ont apporté secours et encouragement étaient des gueux affamés et vêtus de haillons. Ils me traitaient comme leur jeune soeur et jamais je n’ai eu à me plaindre du comportement déplacé d’aucun d’eux. Après quelque temps, nous formions une petite famille dont chaque membre s’évertuait à trouver des moyens pour atténuer la misère des autres.
Mais l’hiver approchait et la vie dans le parc devenait de plus en plus difficile. Nous dûmes nous disperser et trouver refuge, pour dormir, dans des bâtiments désaffectés ou des abris de fortune fabriqués avec des matériaux trouvés au hasard de nos vagabondages: planches, tapis éculés, bâches rapiécées. Plusieurs d’entre nous tombèrent malades et quelques-uns moururent avant même que les grands froids ne se ruent sur la ville comme une meute de loups affamés.
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