Les enfants s'amusent, deuxième partie.

Paulin Larose, chef de bande, apprenti cordonnier, 5 juin 1855

Chers amis du futur,

Comme je vous le disais, nous étions dans notre cabane secrète, confrontés au plus grand problème de notre nouveau gouvernement : comment se débarrasser pour de bon du nain de jardin éternellement affamé ?

Le jeune Mathieu Martin a eu la première idée. « On pourrait l'envoyer en voyage ! a-t-il dit. On le met dans une boîte, et l'on demande à monsieur Lavoie de le laisser sur un quai à Québec lors de son prochain voyage en bateau ! »

L'idée était bonne, mais Henri-Firmin a secoué la tête. « Il est magique, il reviendrait en flottant sur une bûche ! Non, il faut une solution plus... définitive. »

C'est là que Marc Borduas, notre Grand commissaire de l'absurdité, a eu une étincelle dans les yeux. Il a monté sur une vieille caisse de pommes et a pris un air très important.

« Mes amis du gouvernement ! J'ai trouvé ! On ne peut pas le faire disparaître. Alors, on va le fatiguer ! On va l'épuiser jusqu'à ce qu'il n'ait plus faim ! »

On ne comprenait pas. Le fatiguer ?

« C'est simple ! La loi dit qu'il faut lui donner un gâteau par année. Mais elle ne dit la grosseur ni le moment ! Alors, voici mon décret final : chaque famille devra donner son gâteau au nain, mais en le coupant en 365 tout petits morceaux ! Un morceau par jour ! »

On a commencé à sourire.

« Et ce n'est pas tout ! Chaque jour, il faudra faire une cérémonie ! On devra chanter une chanson au nain avant de lui donner sa miette. Chaque jour, une chanson différente ! Au bout d'un mois, il en aura tellement marre d'entendre nos chansons qu'il va supplier qu'on le laisse tranquille ! Au bout d'un an, il sera si fatigué d'ouvrir la bouche pour une miette qu'il va s'endormir pour cent ans ! »

On a tous éclaté de rire. C'était la solution la plus folle et la plus géniale qu'on pouvait imaginer. Forcer le nain à écouter 365 chansons par année pour un seul gâteau !

Notre pièce de théâtre s'est terminée là-dessus. En sortant de la cabane, on se sentait plus légers. Bien sûr, on sait que ce n'est qu'un jeu et que nos parents ont encore de vrais soucis. Mais en inventant des solutions, même des solutions folles, on a compris une chose importante.

Le monde des adultes est peut-être compliqué, rempli de dettes et de lois "tordues". Mais, tant qu'on gardera notre capacité à rire, à inventer et à imaginer un avenir différent, aucun nain de jardin, aussi affamé soit-il, ne pourra nous enlever notre bonne humeur. Et ça, mes amis, ça vaut tout l'or du monde.

Votre ami pour la vie,

Paulin Larose, apprenti cordonnier et chef de bande.


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